Les normes VSS, c'est bien pratique...
- Ruben Ramchurn
- 25 févr.
- 4 min de lecture

La Municipalité d’Yverdon-les-Bains invoque les normes VSS pour justifier une réduction drastique du stationnement en centre-ville. Or, ces normes privées sont indicatives et non contraignantes. L’étude commandée à Transitec applique une réduction politique de 60 à 80 %, bien au-delà des recommandations techniques, et en contradiction avec le règlement communal (RPGA). Cette interprétation orientée sert davantage une volonté politique qu’une nécessité urbanistique avérée.
Nous sommes en 2023, soit quatre ans après la signature par Julien Wicki de l’accord gauche-droite intitulé « Un pacte commun pour le futur d’Yverdon-les-Bains ». Cet accord avait conduit à l’acceptation massive, par le Conseil Communal, du préavis PR18.26 portant sur la construction d’un parking souterrain de 1 000 places sous la place d’Armes.
Sous pression, la Municipalité a fini par rendre public le préavis cantonal, ce qui a révélé qu’elle n’avait jamais, en trois ans, tenté de répondre aux demandes de précisions émises lors de cet examen préliminaire. Or, il s’est avéré que ce dernier ne contenait rien de bloquant. De plus, certains des arguments avancés étaient pour le moins discutables et auraient mérité d’être contestés.
Face à l’inaction municipale, un comité d’initiative, le Comité CAPPA, a été créé par des commerçants et des élus de centre-droit afin de lancer, en août 2023, une initiative populaire intitulée : « Pour un parking souterrain d’environ 1 000 places, ainsi que la création d’un espace vert et de détente en surface sur la place d’Armes ».
En décembre 2023, l’initiative a abouti avec 3 913 signatures, bien au-delà du minimum requis de 3 056. La Municipalité devait donc la transmettre au Conseil Communal dans les meilleurs délais… mais il lui fallut six mois pour s’exécuter. Deux préavis furent finalement transmis : le PR24.14 portant sur l’initiative, et le PR24.15, sorte de contre-projet municipal proposant un parking de 600 places soit une réduction de 38 % des places en centre-ville.
Une justification municipale discutable
Pour justifier cette réduction drastique, la Municipalité s’appuie sur les fameuses normes VSS ainsi qu’une étude réalisée par Transitec. Cette étude préconise notamment que les centres commerciaux Coop et Migros devraient diviser leur offre de stationnement par deux à quatre, et que le centre-ville pourrait, à terme, se contenter de 280 à 430 places de parc. Une « vision prospective plus ambitieuse » qui s’appuie sur le PA4 et le plan climat yverdonnois.

Ce que disent (et ne disent pas) les normes VSS
Les normes VSS sont des normes privées, inaccessibles au public sauf à débourser environ 500 francs. Il est pour le moins surprenant que des règles d’urbanisme puissent être définies par un organisme privé et, de surcroît, non consultables librement. Cependant, au niveau fédéral, ces normes sont facultatives et principalement destinées à l’application technique. Il est précisé que dans certains cas spécifiques, il peut être pertinent de s’écarter des valeurs indicatives ou de la méthodologie proposée par la norme VSS, à condition de documenter ces écarts et de détailler la méthode de calcul utilisée.
La législation cantonale, quant à elle, se limite à exiger que le nombre de places de stationnement fixé par la réglementation communale respecte les normes de l’Association suisse des professionnels de la route et des transports (VSS), en tenant compte de l’importance et de la destination de la construction.
Mais qu’indiquent précisément ces normes ? La norme VSS 640281 recommande, à titre indicatif, une place de parc pour 100 m² de surface brute de plancher ou une place de parc par appartement, à quoi il faut ajouter 10% pour les visiteurs. Un coefficient de réduction peut ensuite être appliqué en fonction du site et de l’offre en transports publics, afin d’éviter un surdimensionnement des infrastructures de stationnement.

Le centre-ville d’Yverdon-les-Bains compte environ 110 000 m² de surface résidentielle. Avec les futures planifications, notamment Front-Gare et le besoin en P+R des CFF, il est donc tout à fait possible de justifier entre 1 500 et 2 000 places de stationnement, en conformité avec les normes VSS.
La norme VSS permet d’appliquer un facteur de réduction, facultatif et défini dans l’Art. 115 du RGPA (Règlement du plan général d’affectation de la ville). Ce facteur est de 20 % pour les habitants et de 50 % pour les clients ou employés. C’est sur cette base que le parking de 1 000 places avait été dimensionné, ce qui constituait déjà une application très restrictive, notamment pour une ville située en pleine campagne.
Comment la Municipalité arrive-t-elle à une offre si réduite ?
La Municipalité a mandaté Transitec pour réaliser une étude qui applique un taux de réduction politique, basé sur le PA4 et le Plan Climat, et qui réduit la norme VSS de 60 à 80 %.
Contrairement à ce qu’elle prétend, le chiffre avancé n’est pas une obligation légale mais une interprétation politique des normes VSS. Pire encore, cette approche pourrait être illégale, car elle contrevient aux prescriptions du RPGA communal, qui, elles, sont obligatoires.

En définitive, invoquer les normes VSS pour justifier la suppression massive de places de stationnement relève d’une manipulation. Ces normes sont des recommandations techniques et non des lois impératives.
La Municipalité utilise donc une lecture orientée et discutable des normes VSS pour imposer une réduction des places de stationnement en centre-ville, sans réel fondement juridique. En outre, sa lecture contrevient au RGPA communal qui est lui obligatoire et donc en termes de légalité, si quelqu’un est dans le tort, c’est plutôt la Municipalité actuelle.

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